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  • Photo du rédacteurRosula Blanc

Naulekh

Est-ce qu’on échange Julong contre un autre yak et on repart faire un petit tour ? Sandrine a encore une semaine de temps libre. La tentation est grande, mais est-ce que mon genou tiendra ? Si je peux faire une pause de quelques jours cela devrait aller. Nous décidons de monter à l’alpage vendredi pour y ramener Julong et embarquer le jeune Naulekh à sa place. C’est une excellente occasion de voir comment il marche sans trop le solliciter. Sandrine et moi allons chercher le troupeau à l’alpage et descendons avec eux à Prélet où André devrait nous attendre avec la bétaillère pour relâcher Julong et charger Naulekh. Quand nous arrivons à Prélet il y a bien la bétaillère, mais elle est vide. Et André a disparu aussi ! Que s’est-il passé ? Le berger des génissons d’à côté nous dit que André aurait perdu les yaks. Comment ? Je pars à leur recherche et les trouve un peu plus loin sur la route qui descend aux maisonnettes avec André qui m’explique que la porte du devant de la bétaillère, défectueuse, se serait ouverte pendant le trajet et Nayan et Julong en auraient profité pour descendre ! Heureusement qu’il roulait doucement sur les chemins d’alpage ! Les deux yaks ne se sont pas blessés et reviennent tranquillement vers le troupeau qui s’excite à leur arrivée. Les grands ne tardent pas d’attaquer Nayan et Julong pour préserver leur place dans la hiérarchie. Dans un moment de répit nous chargeons vite Nayan qui semble assez content d’échapper aux attaques d’Ogotai et Udari. Naulekh est chargé en suite et le troupeau ramené à l’alpage. Quelle histoire incroyable ! Comme si Nayan et Julong n’avaient pas eu assez d’aventure pendant le voyage, faut-il encore qu’ils se sauvent de la bétaillère !

Mon genou n’a pas aimé ces excitations et fait de nouveau très mal. Nous lui accordons encore un jour de pause pendant que Sandrine va se balader en montagne. Le soir, j’insiste que nous fassions au moins un petit tour de trois jours pour tester le team Nayan – Naulekh. Après tout l’effort que nous avons fait pour les ramener de l’alpage !

Dimanche matin nous chargeons Nayan et Naulekh dans la bétaillère et André nous dépose à Thyon. Nous attachons les deux yaks à la bétaillère pour les bâter et partons sur le chemin à flanc de coteau. Je suis heureuse. Quel rêve de pouvoir partir comme cela en toute simplicité. Naulekh s’est comporté comme un pro, comme s’il n’avait jamais rien fait d’autre dans sa vie et Nayan a acquis un grand calme intérieur. Pas d’excitation, pas de panique, pas de départ en courant. Finalement, toutes ces années de travail avec les yaks commencent à porter des fruits. Jusque à maintenant chaque départ était une grande expédition, c’est la première fois que je pars avec les yaks comme je partirai avec un cheval qu’on sort de l’écurie pour aller faire un tour.

C’est une belle journée, les montagnes sont splendides. Naulekh a pris la tête et marche à un bon rythme. Vers la fin de la journée Nayan prend la place devant et impose son rythme plus lent. Il s’arrête de temps en temps pour regarder le paysage et flairer les odeurs comme les yaks ont habitude de faire. Quand Naulekh impatient veut dépasser, il le remet à sa place à coups de cornes. Nous rigolons : on dirait que Nayan en a marre du rythme trop vite du jeune yak et veut lui apprendre à apprécier le paysage !

Nous campons à Allève. C’est la pleine lune. Quelque chose me dit que les yaks ne vont pas rester dans leur enclos. En effet, le matin c’est le grand silence : plus de yaks en vue.

Nous rangeons tranquillement nos affaires et chauffons de l’eau pour un thé quand la mer de brouillard commence à envahir la vallée. C’est beau, mais si le brouillard monte encore nous ne verrons plus rien… et alors comment retrouver nos yaks ? Leurs cloches népalaises ne portent pas à grande distance… Nous partons en hâte sans boire notre thé. Sandrine par les hauts à gauche, moi par les bas à droite déjà enveloppé dans le brouillard. Nous nous appelons de temps en temps et nous retrouvons plus tard en-haut dans la combe d’Allève ou nous avons enfin le temps de boire notre thé que j’ai emporté dans un thermos. Magnifique paysage. Nous avons du plaisir de découvrir ces coins perdus qu’on ne visite pas normalement. Et si nous traversions le montage par ce petit col pour gagner le vallon de Prafleuri et voir si les yaks y sont en descendant ? Cela devrait être une jolie petite course ! L’idée nous plait. Tant pis, on restera encore une nuit ici. Si les yaks se font un plaisir à explorer l’alpage, pourquoi pas nous aussi ? C’est exactement à ce moment qu’appelle le berger d’Allève pour nous dire qu’il a vu nos yaks : tout au fond de l’alpage à la lisière de la forêt, dans la partie qui était caché dans le brouillard… Nous allons les chercher et les ramenons au camp pour les bâter et charger. Mon genou n’apprécie pas beaucoup cette descente non-prévue hors chemin qui s’enchaine maintenant avec une descente sur un chemin glissant et mal entretenu. Quand Nayan hésite sur un passage difficile ou quand Nayan refuse, Naulekh prend le devant sans hésitation et se débrouille à trouver un passage. Naulekh est encore petit et léger et a un sens de l’aventure qui le pousse en avant et il a beaucoup de confiance en ses pieds. Quel sacré petit yak ! Montée raide de l’autre côté sur l’alpage de Noveli et camps à la remointse de Noveli où les chasseurs nous accueillent généreusement à côté de leur cabane.

Nous savourons le couché de soleil adossées à un grand mur en pierres sèches qui nous protège du vent. Dernière nuit de trek. Je suis heureuse que nous pouvons conclure ce mois de voyage avec les yaks en beauté et avec tout l’espoir d’avoir avec Nayan et Naulekh un bon team pour l’année prochaine. Cette nuit les yaks restent dans leur parc. Mais à peine bâté Naulekh part derrière Sandrine plein d’entrain. Quelle volonté il a ce jeune yak ! Et quelle excellente condition physique ! Il ne s’arrête plus jusqu’au col et fait bien souffler Sandrine et Nayan qui doivent suivre sa cadence. Moi, avec mon genou accidenté, je suis loin derrière, mais j’ai le plaisir de les observer, je suis heureuse de voir que ces deux yaks suivent Sandrine sans que j’aie besoin de les encourager par derrière. Je rêve déjà de partir seule un jour avec un des deux…

Descente par la Vouasson et à midi nous sommes de retour à la Giette. Pique-nique sur la terrasse et Sandrine, Anuun et moi partons à l’alpage où le troupeau est de nouveau parti en balades illégales… eux aussi, ils sont sortis de leur parc la nuit de la pleine lune !

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