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  • Photo du rédacteurRosula Blanc

Col de Planches - La Giette

Dernière mise à jour : 8 juin 2020

Quatre jours en montagne avec Noémie, Naulekh, Tsarang et Anuun. Que c’est beau de repartir, que c’est beau cette légèreté avec laquelle les choses se font : rassembler les bagages, mettre deux yaks dans la bétaillère et partir en montagne avec ma filleule qui n’a pas d’école. Notre voisin qui a congé ce jour-là nous propose spontanément de nous déposer au Col des Planches et ramener bétaillère et voiture à la maison. Merci Roby !

Nous avons oublié de mettre les cloches aux yaks et j’apprécie énormément de marcher dans le silence avec ce petit bruit léger des sabots non-ferrés derrière moi, le chant des oiseaux, le son des ruisseaux et du vent dans les arbres… Naulekh est motivé, plein d’élan et n’a pas envie de faire des pauses, nous avons à peine le temps d’avaler un petit bout de pain et fromage qu’il pousse au départ et nous continuons le chemin. Quelle beauté d’être de nouveau dans la montagne, de passer le soir dehors entouré de la nature, de sillonner le matin des petits chemins d’alpage…

Nous montons au Basso, Naulekh marche, s’arrête, regarde le paysage, hume l’air, déguste quelques brindilles d’herbe, repart… il a visiblement du plaisir, du plaisir d’être ici, du plaisir de marcher, du plaisir de découvrir, du plaisir de déguster - mais il ne s’oublie pas en mangeant, il prend juste une bouchée d’herbe ci et ça et continue. Ça me remplit de joie de le voir dans cette fluidité d’être et cette présence lumineuse. Que c’est beau de partager une escapade avec un animal qui le savoure tout autant que moi-même.

Mais le soir dans le petit enclos que nous avons fait pour les yaks je vois que Naulekh n’est pas d’accord, il voudrait partir. Il hume des odeurs que je ne sens pas. Il a des informations que je n’ai pas. Il appelle. Est-ce l’odeur et la présence d’animaux sauvages ? Des cerfs ? Des biches ? Ou d’autres animaux ? Je ne peux le savoir, mais je vois très bien que Naulekh ne restera pas. Il appelle. Il mange – mais cette fois ci il mange de stress, d’agitation. Et voilà qu’il prend de l’élan pour sauter la clôture et partir vers le haut de la vallée avec Tsarang qui le suit. Je m’empresse de les arrêter. J’attache Naulekh. Avec Noémie, nous changeons l’emplacement du parc pour la nuit et j’attache Naulekh à un arbre avec une longue corde. Désolée. J’aimerais tellement comprendre ce qu’il a à dire, ce qu’il sent et sait que je ne comprends pas. Je sais qu’il a une bonne raison pour tout ce qu’il fait – mais ici je ne la comprends pas et dans mon raisonnement humain je ne peux pas laisser partir les yaks dans la montagne et le brouillard sans cloche – cela prendrait des heures pour les retrouver. Naulekh sait très bien gérer la corde et se résigne à se coucher près de son arbre. Magnifique animal intelligent – combien j’aimerais savoir ce qu’il se passe en lui.

Le matin il pleuvine. A peine partis, nous devons enlever les chaussures pour suivre les yaks dans la traversée d’une rivière. La montée est calme, tout est atténué dans le gris-blanc du brouillard. Sur les alpages il fait plus froid et il reste encore pas mal de neige artificielle sur les pistes. Est-ce que nous faisons une petite pause avant la montée au col ? Nous avons à peine sortis notre pique-nique que les yaks qui broutaient un moment repartent déjà. Ils montent, mais pas dans la direction du col. Je bourre mes affaires dans mon sac en vitesse et suit les yaks pour les tourner dans la bonne direction. Je n’ai jamais été forte pour courir en montant dans les pentes. Je m’essouffle à rattraper les yaks. Une rage me prend. La rage de ma propre faiblesse, la rage de ne pas me laisser devancer. La rage me porte, pousse mon corps en avant et je rattrape et tourne les yaks dans la bonne direction. J’expire ma rage à chaque pas en continuant de suivre les yaks dans la direction du col. La rage se dissout dans la pluie, je me sens forte, sauvage, présente dans mon corps et le moment comme un yak. La rage m’a permis de dépasser mes capacités physiques, elle se dissout et fait place à un sentiment de force, de bien-être et de joie sauvage.

Nous montons la tente dans la pluie et nous hâtons à nous mettre à l’abri, changer les habits, faire un thé – une fois installées que la vie est belle ! Nous passons une agréable soirée à cuisiner et lire, les yaks couchés calmement juste à côté de la tente, le chien heureux et fatigué en boule entre nous.


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