Un mois de novembre en lumières est pour moi un de mes moments préférés dans l’année. En novembre, la grande partie du travail de la préparation de l’hiver est faite et tout ce qu’on peut faire en plus est comme un bonus. Chaque jour de beau est un temps de prolongation… Et comme ce sont toutes des choses moins importantes, il y a aussi du temps - du temps pour être couchée dans l’herbe sèche à côté des yaks où du temps pour des promenades – et tout a le gout de cadeau.
L’ambiance austère de la montagne silencieuse, les couleurs ocres de désert, les premières nuits glaciales… cela rappelle l’Himalaya - c’est la saison des yaks.
A la fin de ma méditation matinale j’ai visualisé comme j’allais mener Naulekh dans la bétaillère pour partir avec lui en balade. J’ai l’habitude de visualiser brièvement tous les grandes manœuvrés que je fais avec les yaks. Cela clarifie l’intention pour moi et en général aussi pour les yaks. Ce matin l’image c’est développé automatiquement et je me voyais mener Naulekh dans la bétaillère comme un cheval expérimenté. J’ai adoré la fluidité de l’action dans l’image et j’ai terminé ma méditation sans plus y penser. C’est vrai que Naulekh monte assez facilement dans la bétaillère, mais jusqu’à présent nous l’accompagnons quand même avec un peu de « pousser – tirer ».
Quelques heures plus tard, nous amenons le troupeau sur la place pour charger Naulekh, il hésite un moment de se laisser mettre la corde, mais après, il me suit pas par pas pour monter dans la bétaillère sans qu’on ne le pousse, sans qu’on ne le tire. C’est trop beau. Il sait. Je regarde Bertrand et Christiane émerveillée « c’est comme dans ma visualisation de ce matin! »
Nous allons à la Gouille pour revenir à la Giette par les chemins des hauteurs. Naulekh est un peu stressé et inquiet au départ - il vient de réintégrer le troupeau et voilà qu’il se retrouve seul à nouveau. Mais le rythme de la marche canalise son énergie et même qu’il avance d’un bon pas, il devient plus calme intérieurement. Je suis tellement contente d’être avec lui en montagne. Les moments de marche en harmonie avec les yaks sont mes moments d’accomplissement et de bonheur. Mon cœur s’ouvre à la montagne, il est rempli de gratitude pour ce magnifique yak qui m’accompagne.
Quand les chemins deviennent plus larges, Naulekh commence spontanément à marcher plus à côté de moi que derrière moi. Sans tirer sur la corde, sans essayer de me dépasser. C’est fascinant comme cette nouvelle position exprime un développement dans notre confiance et notre relation, la sensation de partenariat et de complicité est renforcée. Cela me touche et me rend profondément heureuse.
Quelle belle journée, quel magnifique animal intelligent, quel beau partage avec Naulekh dans cette danse entre humain et yak.
Et aussi quel beau moment de partage avec notre photographe et ami Bertrand qui nous accompagne et documente nos progrès.
Après ce mois un peu triste après la rentrée anticipée de l’expédition en Autriche, la lumière revient. Je me reconnecte à mon essence, ma passion, mon amour… sans plans, sans projets, sans savoir où cela me mène. Mais il me semble que cet état sans futur ne se manifeste pas que dans ma dynamique personnelle, mais que nous vivons cela aussi à une échelle mondiale : le futur est dans l’inconnu, on ne peut plus projeter et planifier comme nous avions l’habitude. Il faut développer un nouveau GPS, une nouvelle forme d’imagination et d’inspiration ; une sensibilité qui nous aligne avec la vision de notre cœur…
Toutes les images © Bertrand Carlier
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