On nous avait dit dans la vallée que l'alpage de Milchbüehlen avait desalpé et que nous pourrions y camper. Quand nous y arrivons fatigués à la fin de la journée, surprise, je tombe sur un vieux paysan qui déplace quelques cochons. De l'autre côté arrive un troupeau de chèvres suivi par quatre bergers qui les ont cherché dans les falaises. Il y a encore des génisses et des chevaux....
Oh non! Nous n'avons plus courage d'aller plus loin. Je vais à la rencontre du vieux paysan qui - après m'avoir demander de l'aider à diriger ses cochons vers l'écurie - me dit que c'est ok d'aller camper au fond de la combe. Quand je lui demande des renseigmeents sur les chemins, il m'envoie aller parler avec un des berges des chèvres qui connait bien la région. J'ai enfin des détails sur le passage vers Linthal sur lequel j'avais quelques doutes, mais que je n'arrivais pas à juger juste en regadant ela carte. Je comprend maintenant que ce ne serait pas possible d'y passer avec un yak. Il y a des plaques karstiques avec des trous et des fentes bien dangereuse pour des pieds de yak. Il faudra changer d'itinéraire.
Mais avant tout, reposons nous! Nous avons marché sept heures en continu aujourd'hui. Naulekh a été un vrai champion, il mérite de se poser!
Il y a des choses qui contrarient Naulekh, c’est quand il faut rebrousser le chemin, comme ici où nous nous trouvons tout à coup devant un portail fermé avec un cadenas. Il y a un mur en dessus de la route et un mur en contrebas. Juste un pas trop dangereux à faire avec des bagages. On peut contourner le portail par le bas, mais il faut revenir un bout en arrière. C’est une de ces choses que Naulekh ne comprend pas. Pour quoi rebrousser le chemin? Il bloque et il commence à brouter obstinément.
« Je mange pendant tu réfléchis » semble-t-il dire. Je ne pouvais pas savoir non plus, mais pour lui c’est moi qui l’ai mené sur le mauvais chemin. En effet, devant nous il y avait un couple de randonneurs, ils auraient pu nous faire signe que cela ne passait pas. Ben non, il ne l’ont pas fait, donc au lieu de contourner fluidement, nous sommes arrivés devant un portail fermé.
Je revient en arrière, jusqu’à l’endroit où on peut descendre dans la pente et j’attend Naulekh.
Il est en haut sur la route et m’appelle. Il ne comprend pas la manœuvre.
Il remonte vers le portail… il ne veut pas croire qu’il faut faire une manœuvre aussi stupide par les pentes… il se retourne et m’appelle encore.
« Pourquoi tu n’ouvre pas le portail? » semble t’il dire. « qu’est-ce que tu fais là en bas dans les pentes? Continuons! »
Moi aussi je l’appelle. Va-t-il comprendre?
C’est interessant comment dans ces moments, il y a pleins d’émotions se proposent à moi: frustration, énervement contre ces randonneurs qui n’ont rien dit, tristesse de devoir faire faire à Naulekh des manœuvres bizarres, impuissance de changer la situation… Aujourd’hui je les renvoie tous. J’attends. Je veux voir comment Naulekh va résoudre la situation.
Naulekh fait encore un demi aller-retour vers le portail et reste à me regarder, à brouter et à m’appeler de temps en temps. Non, il ne descends pas dans la pente pour faire le détour, mais a un moment je vois qu’il relâche sa résistance. Alors je vais le prendre au licol et le mène deux pas hors la route vers le bas. Une fois dans la pente, je le relâche. C’était facile de trouver une trace pour contourner et tout de suite nous retrouvons la fluidité de notre marche.
Tout le reste de la journée, Naulekh suit en liberté avec un bon entrain. Nous marchons quatre heures en continu et nous arrêtons vers un petit lac juste sous le col de Ruosalper Chulm pour profiter encore un peu de la montagne avant l’arrivée du « mauvais » temps. Pour savourer cette vie nomade, pas juste en traversant la montagne, mais en prenant le temps de la vivre. Il y a beaucoup de vent, mais notre petite combe est un peu plus abritée que les grandes pentes. Je suis allé chercher de l’eau, je prépare un thé. Naulekh et Nuuri sont à la sieste.
Naulekh est content. Il a eu assez de temps pour faire une sieste et pour ruminer longuement. Je vois qu’ils est content parce qu’il accepte des câlins. Quand il est fatigué et contrarié, il me renvoie en me menacant avec de grands gestes de cornes.
Ce soir je ne l’ai pas attaché. Après s’être reposé, il part faire un tour. Il va regarder la vue, il hume l’air qui monte depuis la vallée. Pour moi ce n’est pas évident d’oser le laisser en liberté, j’ai tellement peur de le perdre. Mais de le voir ainsi me touche. Il a retrouvé sa dignité d’être libre. Librement, il peut aller voir ses alentours comme moi et Nuuri et il brouter là où ça lui plaît. Finalement il revient vers moi et se couche tout proche de la tente pour la nuit.
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